vendredi 25 novembre 2011

Axoum, parc Ezana...

J'ai débarqué à Aksoum un peu par hasard : rien prévu, rien organisé, rien lu, je me suis laissée porter au gré des liaisons intérieures d'Ethiopian Airlines depuis Lalibela.


On m'avait dit beaucoup de choses d'Axoum, notamment qu'il n'y avait pas grand chose à y voir ou à y faire et que ce détour par l'extrême nord de l'Ethiopie n'en valait pas vraiment la peine. la peine? Quelle peine? Une heure d'avion? Quel type exact de peine peut-il y avoir à se laisser porter au gré de ses envies dans un pays aussi étranger qu'hospitalier?
Axoum... Avec un nom pareil, qu'il n'y ait rien à y voir me paraissait hautement improbable... Et ce "rien à voir" me semblait déjà parfaitement impropre pour qualifier un quelconque endroit de l'Ethiopie, pour peu qu'il ne soit pas désertique.


C'est finalement Eva, une prof de géographie allemande croisée à Bahar Dar, où elle récoltait frénétiquement des papyrus sur les bords du Lac Tana pour les montrer à ses élèves, qui a su me donner l'argument de choc: "C'est vrai, il n'y a pas grand chose à faire là-bas, mais au centre de la ville, il y a un petit jardin public, minuscule, en forme de triangle, où sont dressés quelques vestiges, des colonnes, des morceaux de stèles, c'est calme et très joli, et il y a un petit café où tu pourras te reposer et lire pendant des heures. Si tu n'es pas pressée, c'est idéal. Et le café est très bon."

Ce dernier argument fut décisif. Dès mon arrivée je me suis mise à la recherche de ce fameux jardin, mais bien évidemment, avant de tomber sur le parc, je suis d'abord tombée sur un obélisque de 40 tonnes écrasé en travers de mon chemin.


Parce qu'il s'est avéré qu'avant d'être une ville "où il ne se passe pas grand chose", Aksoum a été le berceau d'une civilisation et d'un royaume étendu et prospère du 1er au 9ème siècle ap. J.C., premier royaume d'Afrique à battre monnaie, aux relations commerciales intenses avec l'Egypte, l'Arabie, la Grèce, la Syrie, et dont les souverains bâtisseurs de palais avaient le chic de se faire enterrer sous des stèles ouvragées de 35m de haut - pour la plus haute.


Ces obélisques géants, parmi les plus grands ouvrages monolithes au monde, sont le fruit de la civilisation Sabéenne, peuple sémitique venu du Yémen vers 1000 av. J.C., qui adorait le soleil, la lune et Vénus, et avait un sens très marqué de l'architecture et du grandiose.


Les tombeaux de leurs rois recèlent encore des mystères techniques que les guides tendent à amplifier - je n'ai d'ailleurs parfois pas vraiment compris où résidait l'insolite, preuve que ma culture technique est décidément bien rudimentaire, où que le guide nous embobinait largement. Malgré tout, Aksoum fut certainement le siège de techniques assez avancées, quoiqu'apparemment assez similaires à celles de l'Egypte ancienne et certainement héritées d'elles (ce que les guides locaux démentiront, comment peut-on oser les comparer aux Egyptiens?)


L'un des rois les plus emblématiques du royaume d'Aksoum, Ezana, reçut, au IVème siècle -je ne vous ferai pas l'affront de vous dire si c'est avant ou après J.C.- comme précepteur un missionnaire chrétien venu de Tyr qui finit par le convertir, faisant de son royaume le berceau d'un christianisme très singulier, aujourd'hui rattaché à l'orthodoxie bien qu'elle soit une église autocéphale, ne dépendant ni des patriarches de Constantinople ni de ceux de Moscou. Pour ceux que ça amuse ou qui auront un enfant chrétien à nommer dans les prochains mois, le moine syrien qui obtint l'oreille du roi Ezana s'appelait Frumence...


En 1937, alors que les Italiens occupaient le pays depuis deux ans, l'un des deux plus grands obélisques derrière moi sur la photo a été subtilisé à Aksoum pour venir orner le ministère de l'Afrique italienne, car on ne crache pas sur un trophée de chasse de cette ampleur lorsqu'on s'appelle Mussolini. Les Italiens, boutés dehors en 1940 par Hailé Sélassié (aidé par les Anglais, pas rancuniers), se sont engagés à restituer la stèle aux Ethiopiens en 1947, mais ayant un sens de la temporalité un peu particulier, l'obélisque n'a repris sa place initiale qu'en août 2008.


De stèle en tombeaux, j'ai arpenté la ville en tuktuk, cet espèce de tricycle à moteur de mobylette qui sert de moyen de transport en ville et vous amène à peu près à destination, avec l'aide de Dieu -les autocollants bariolés de Jésus à l'intérieur sont probablement autant là pour rassurer que pour des raisons esthétiques de toutes façons assez douteuses, car dans un tuktuk il n'y a qu'à prier en s'accrochant.



Parfois, les chauffeurs de tuktuk vous embarquent, trop heureux de faire une course au tarif Farangis, en omettant de vous préciser qu'ils ne peuvent pas vous conduire à destination parce que la route est trop impraticable pour leur espèce de tricycle à moteur : de grands moments de joie collective en perspective...




Demain, le suite de la recherche du parc Ezana, et la grande piscine privée de la reine de Saba...


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