mercredi 7 mars 2012

Deux minutes à Addis

On ne sent une ville qu'en usant ses semelles dans les rues. Rarement en y circulant en taxi.
Voici donc 1 minute 53 dans les rue d'Addis Abeba, non loin, d'ailleurs, de la place De Gaulle (sic) dans le quartier de Piazza.



Il y a les écoliers, les vendeurs de tout, les bruyants marchands de poids (vous y verrez furtivement deux pèse-personnes annoncés par des sonneries stridentes : donnez un sou, vous pourrez contrôler votre poids... en public), les jeunes cireurs de chaussures, les habits traditionnels, modernes... Bref, Addis Abeba, octobre 2011.

mercredi 4 janvier 2012

Sur la route de Mekelle

Pour aller d'Axoum à Mekelle, je n'avais rien organisé parce que ça commençait à me fatiguer et qu'il me semblait qu'on pouvait, ici, s'organiser autrement: J'en ai donc parlé à Ermias, qui cherchait visiblement à me faire plaisir pour des raisons que je feindrai de ne pas m'imaginer, l'un de ses clients et amis de Mekelle, qui travaillait à Axoum quelques jours, de m'embarquer dans son pick up en rentrant.

Personne ne savait quand exactement il devait rentrer à Mekelle, il fallut donc attendre un jour, puis un autre jour, mais finalement, un matin, à 8h, je me retrouvai face à un tout petit bonhomme, mais vraiment tout petit, Zenebe, l'air fermé d'un pêcheur breton et la main moite.

Car les Ethiopiens sont souvent très réservés au premier abord, à tel point qu'on croirait presque à de l'hostilité, ce qui est une erreur dans l'immense majorité des cas qu'il ne faut surtout pas entretenir en se renfrognant soi-même dans son coin.


J'ai mis mon sac dans son pick-up, et ne savais pas du tout combien de temps nous mettrions pour aller jusqu'à Mekelle, car ici le nombre de kilomètres n'est jamais une indication fiable, tout dépend en réalité de la qualité des routes, de l'humeur du chauffeur, du nombre d'ânes et de vaches sur les routes, du nombre de gens que le chauffeur doit passer voir pour dire bonjour et prendre un café. Et de fait, pour faire les 300 km d'Axoum à Mekelle, nous avons mis environ 8h, fait 6 pauses, visité 3 bureau et rencontré une dizaine de personnes.

Au début, ce n'était pas simple d'essayer de comprendre ce qui se passait, car si Zenebe parlait anglais, c'était sans comprendre mes questions et en me fournissant des réponses que je ne comprenais pas, car je n'ai saisi qu'après 5 heures de route qu'il confondait, par exemple, la deuxième et la troisième personne du singulier pour s'adresser à moi, ce qui donnait un petit goût très reconnaissable de patois normand à son anglais : "and how is she?" "Where do she come from?" et ainsi de suite...

Une fois cette nouvelle norme de communication acquise nos conversations ont été nettement plus fluides.

Notre route a été singulièrement ralentie par le fait, que je n'avais bien évidemment pas saisi dans l'ébauche de communication à notre départ, que Zenebe travaillait pour une ONG locale, Mum for Mums, disposant d'un siège à Mekelle et d'une antenne à Axoum, et qu'en retournant au siège il devait passer visiter les locaux d'Axoum ainsi que de futurs nouveaux bureaux à Adoua.


Nous avons donc fait le tour des locaux de Mum for Mums, et j'y fus présentée à chaque passage à toutes les équipes, on m'a offert le café, et j'ai définitivement compris qu'il faut faire preuve ici d'une capacité de résistance à la caféine totalement hors du commun dans ses relations sociales.

Nous sommes passés à Adoua, célèbre pour au moins deux raisons : Avoir d'une part été le siège d'une des batailles historiques les plus fameuses de l'histoire de l'Ethiopie, lorsque les troupes de Ménélik II, en 1896, boutèrent hors de chez eux les troupes italiennes venues en colons envahir le territoire - bataille qui fit de l'Italie la risée des autres puissances coloniales et la fierté incommensurable des Ethiopiens d'avoir résisté à la puissance de feu occidentale- et être la ville d'origine de l'actuel (et inamovible) premier ministre, Mélès Zenawi, originaire d'Adoua et s'en souvenant assez régulièrement dans les propositions de lois votées sans sourciller au parlement.


 Plus nous avancions vers l'est, plus le paysage, toujours plus ou moins montagneux, devenait aride. Il l'était déjà à Axoum, mais moins. Cependant, plus le climat devenait sec, plus Zenebe se décoinçait, et j'ai peu à peu découvert que ce garçon était un loukoum timide et adorable qui, en fait, adorait chanter à tue-tête dans sa voiture en tapant dans ses mains -même dans les routes de montagne - mais n'aimait juste pas tellement communiquer dans son anglais très approximatif et souhaitait de prime abord savoir à qui il avait affaire avant de s'égosiller joyeusement, car on ne saurait se rendre à ce point ridicule devant n'importe qui ne sachant pas goûter les joies de la conduite en chanson.
Nous approchions, vers l'est, du pays Afar, désertique et assez dangereuse, grande région de production du sel, que les dromadaires acheminent pour son conditionnement et sa vente dans le Tigré.

On peut parfois voir, à Mekelle ou, au sud du pays Afar, à Harar, d'immenses caravanes de sel arriver, mais mes horaires personnels me permettaient tout juste de voir les derniers retardataires prendre le chemin du retour...

Arrivés à Mekelle, j'ai eu droit à une visite en règle, agrémentée d'un thé, cette fois, du siège de l'ONG Mums for Mums, par son directeur, Ashenafi, qui m'a fait découvrir l'étendue du travail de cette association locale très active qui sera l'objet de mon prochain post...



 




















samedi 17 décembre 2011

Interlude


En attendant les histoires de cette deuxième partie de voyage entre Addis Abeba et l'est du pays, Dire Dawa et Harar, un petit interlude en musique et en danse, depuis le restaurant Yod Abyssinia d'Addis Abeba, où il est absolument impératif de réserver, mais où il est tout aussi impératif d'aller mettre son nez -et ses doigts- car les injeras traditionnelles sont préparées avec un souci de l'esthétique tout particulier.
Ce n'est pas un endroit réservé aux Farangis et autres touristes de tous horizons, la clientèle y est très mélangée. C'est juste une excellente adresse, à consommer avec modération pour les plus low costs des routards, une adresse aussi emblématique d'Addis et de l'Ethiopie que pourrait l'être le Bouillon Chartier à Paris, le Vauban à Brest et l'Excelsior à Nancy...
Les robes des serveuses font envie, bien que les robes qu'elles portent - saumon, jaune pâle - ne siéraient assurément pas à un teint un peu trop "fromage frais"... Rose saumon sur teint d'aspirine fraîche, ça manque de relief...

Quant aux danseurs et danseuses qui exécutent durant une partie de la soirée des danses et chants de nombreuses ethnies éthiopiennes, Oromo, Guragué, Konso, etc... on en laisserait refroidir son assiette...






mercredi 14 décembre 2011

Ce plat pays qu'est l'Ethiopie...

Depuis mon retour, j'ai laissé un certain nombre d'articles en plan, happée par un quotidien qui se réinstalle si vite et si bien que l'on ne peut plus lever l'ancre sans effort.

Pour s'y replonger, il faut repartir en Afrique, voir et entendre, à défaut de sentir. En route, donc, pour 160 secondes sur la route de Gondar à Débark, en direction du Parc du Simien.





A mon retour, j'ai été assez frappée de l'image spontanée qu'évoquait l'Ethiopie dans mon entourage.

Reprenons depuis le début : premièrement, l'Ethiopie n'est pas un plat pays qui s'étend langoureusement vers la mer Rouge, avec des côtes sableuses et ensoleillées.
L'Ethiopie n'a plus d'accès à la mer depuis la guerre compliquée et fratricide qui l'a opposée à l'Erythrée, qui, avec son indépendance, a privé l'Ethiopie de 1150 km de côte sur la mer Rouge. Annexée par l'Ethiopie en 1962 et devenue indépendante en 1993, l'Erythrée a dès lors souvent dû défendre sa souveraineté par les armes, particulièrement entre 1998 et 2000, contre les velléités d'annexion éthiopiennes.



La tension persiste, raison pour laquelle, bien que l'on ne puisse parler de guerre, cette zone frontalière est fragile, instable : les Ethiopiens considèrent que l'Erythrée et l'Ethiopie forment une seule et même entité culturelle, religieuse et linguistique, et d'un point de vue stratégique et économique qu'un accès de 1000 km à la mer Rouge ne serait pas superflu plutôt que de faire acheminer les container par Djibouti.



Plaines (hauts plateaux) du Tigré, monastère orthodoxe, à l'horizon, la frontière érythréenne

Ensuite, l'Ethiopie n'est pas un pays foncièrement instable, au bord de la guerre civile, où l'armée se promènerait dans les rues, armée jusqu'aux dents prête à bondir. Si, bien sûr, la reconnaissance de la frontière avec l'Erythrée est un processus compliqué, l'Ethiopie est associée à tort à ses voisins plus instables, la Somalie (bien que le Somaliland fasse tampon entre les deux), le Soudan, etc.
Mais si les tensions entre le gouvernement central et certaines régions (l'Ethiopie est un pays fédéral) rend certaines zones impraticables, l'Ethiopie est un pays pour l'instant stable, aux relations pacifiques -du moins diplomatiques- avec ses voisins.
Stable ne signifiant pas démocratique, pas encore, cette stabilité dissimulant à peine un régime sans alternance politique, bien qu'il ne s'agisse pas d'une autocratie militaire.
Stable signifiant simplement que l'on peut se rendre sans danger dans la majeure partie du territoire Ethiopien, même seul(e), à condition de s'être un minimum informé au préalable.

Sans rentrer -du moins pas tout de suite- dans les questions sociales, économiques et les rapports interculturels qui ne sont pas toujours simples, il ne faut pas sous-estimer que l'Ethiopie est surtout un pays truffé d'endroits où il fait très bon vivre, de cafés où tout n'est que calme et volupté, et ce luxe n'est pas réservé aux quelques touristes qui s'aventurent jusque là, mais fait résolument partie du mode de vie des Ethiopiens  :

Un café à Dire Dawa où l'on ne sert... que de l'eau... mais pétillante, et locale!

On ne vient donc pas ici pour ce qu'il y a à boire...

... pas plus que l'on ne vient au Parc Ezana d'Axoum uniquement pour le café...

Enfin, dernière idée préconçue (ou pas conçue du tout plutôt) qui ne survivra pas à ce post : l'Ethiopie n'est pas un plat pays au ciel si bas qu'un canal s'est perdu mais un immense territoire aujourd'hui aussi vaste que l'Allemagne et la France réunies, que la grande faille du Rift est-africain a sculpté à la truelle. Des hauts-plateaux et montagnes titanesques surplombent les nuages, et par endroits, la croûte terrestre, s'affinant au creux de la grande faille, s'enfonce à plus de 100 m sous le niveau de la mer tandis que des volcans, parfois encore en activité, serpentent du nord au sud dans l'est du pays.

De l'avion, quelque part entre Gondar et Axoum

Dans le massif du Simien, le Ras Dashen culmine à 4600 mètres, juste au dessous du niveau du Mont-Blanc, c'est le 4ème pic le plus haut d'Afrique. Outre le Ras Dashen, la majeure partie du pays, au nord, est une immense succession de hauts-plateaux à une altitude située entre 1800 et 3000 mètres, parfois plus, rythmés de pics et brusques dépressions que les eaux de ruissellement annuelles ont creusé dans le basalte avec constance depuis des millions d'années, formant des paysages reconnaissables entre mille.



Dans le Simien

Et la traditionnelle grande plaine où pait le bétail est plutôt en Ethiopie un immense plateau perdu dans les nuages à environ 1 kilomètre de dénivelé abrupt du palier d'en dessous.


Nettement plus au sud, Addis-Abeba, située entre 2300 et 2600 mètres d'altitude est donc la capitale la plus haute d'Afrique, et la 4ème capitale la plus haute du monde.


Addis, au creux des montagnes, au pied du Mont Entoto

L'immensité du territoire éthiopien, de -120 à 4600m d'altitude, fait que l'on passe du désert du Danakil à la végétation luxuriante des bords du lac Tana, des massifs montagneux à la vallée de l'Omo : peu de pays présentent une telle diversité de climats et de conditions de vie, des plus douces aux plus difficiles, déserts ou hauts plateaux.

Ni un grand désert, ni une grande savane, l'Ethiopie...













mercredi 7 décembre 2011

Mums for Mums



Mums for Mums


Mums for Mums est une ONG éthiopienne dont le siège est à Mekelle. Elle a été créée et reste entièrement administrée par des Ethiopiens, même si les fonds ne sont pas locaux et sont, entre autres, issus de la Commission Européenne.

Counsellors
Mums for Mums a pour but de sortir les mères isolées de la dépendance et de la misère. Une jeune mère seule, non mariée, a en effet ici peu de chances de s'en sortir sans l'aide de sa famille, qui ne peut pas toujours subvenir à ses besoins, ou ne le veut pas nécessairement, surtout si elle a eu un enfant hors-mariage. Peu éduquées - elles ont souvent arrêté l'école, quand elles y ont été, beaucoup trop tôt pour trouver un emploi, surtout avec un enfant qu'aucune structure ne peut prendre en charge -, elles en arrivent trop souvent à mendier.

A Mekelle notamment, mais aussi à Dire Dawa et Harar, il n'est pas rare de voir des mères seules, ayant vieilli trop vite, mendier avec leur(s) enfant(s) sous le bras.


L'idée de Wzo Tebereh Woldegabriel, la fondatrice de Mums for Mums, a donc été de créer une structure où ces femmes pourraient confier leurs enfants à une crèche afin d'avoir accès à une formation pratique (couture, cuisine, tissage, etc.) leur permettant à la fois de subvenir à leurs besoins et de monnayer une compétence sur le marché du travail.

Ces femmes devant impérativement être, avec très peu de capitaux, opérationnelles très rapidement, on leur dispense des formations leur permettant également de survivre, voire de commercer, avec rien : on leur apprend à cuisiner confitures et plats avec les matières premières gratuitement à disposition autour d'elles : cactus, plantes, fruits et légumes sauvages, etc.

Peu à peu, Mums for Mums a diversifié ses compétences, et ils accueillent également des personnes âgées isolées durant la journée, organisent des journées de dépistage de la cataracte, des journées de prévention contre le SIDA, des ateliers sur la nutrition, etc, etc...

Discrète, cette ONG a pourtant ouvert des annexes à Axoum, à Adwa et bientôt à Bahar Dar.
A Axoum, leurs missions semblaient plus floue, ils ne disposaient pas d'un grand centre, comme à Mekelle, permettant l'accueil des jeunes mères. Un petit bureau semblait uniquement servir de support technique et juridique à d'autres associations très diverses.


A Adwa, ils étaient en train d'ouvrir un centre informatique avec 25 PC et internet pour la formation des jeunes.

Dans chaque ville ils semblaient avoir une mission et des objectifs différents et, même si le centre de Mekelle œuvre à des actions on ne peut plus concrètes, leurs objectifs ailleurs semblent plutôt guidés par l'opportunité que par les fins initiales de leur ONG.
Qu'importe, il se passe des choses, et bien que ce soit, une fois de plus le Tigré qui bénéficie de ce genre d'initiatives, ce n'est pas pour autant qu'ils n'en ont pas cruellement besoin.


dimanche 4 décembre 2011

La véritable histoire de la reine de Saba et du Roi Salomon

Les Erythréens la croient Erythréenne, les Yéménites Yéménite, les Ethiopiens Ethiopienne, les sceptiques n'y croient pas et l'immense majorité de l'Occident a spontanément en tête une reine à la peau laiteuse se promenant en soutien-gorge affriolant dans les couloirs de son palais :

Gina Lollobrigida dans le péplum La Reine de Saba et le Roi Salomon de King Vidor

La reine de Saba, qui qu'elle fut, n'a probablement jamais ressemblé à la belle Gina, est bien plus certainement une Habesha - Habesha désignant, par opposition aux Farangis, les Blancs, les Ethiopiens, incluant les Erythréens et désignant, par extension, la culture correspondante - et nous partirons ici du principe qu'elle ressemblait plutôt à ceci :

Peinture anonyme de la Reine de Saba en route pour Jérusalem au musée national d'Addis Abeba

Ca fait moins péplum, mais beaucoup plus Habesha...
Tilahun, le plus farfelu guide axoumite, nous a très vite mis les points sur les i avec une force d'âme qui nous fera retenir longtemps la

VÉRITABLE HISTOIRE DE LA REINE DE SABA ET DU ROI SALOMON

La Reine de Saba, la plus grande et la plus belle des reines africaines, éclipsant tout ce qu'une Cléopâtre a pu apporter de beauté et de nez à l'histoire légendaire mondiale, était, au 10ème siècle avant J.C., la reine du peuple sabéen, civilisation évoquée plus bas, situé quelques part entre le Yémen et l'Ethiopie, nous ayant légué les obélisques, les menhirs et quelques tombeaux à l'architecture tout de même assez fascinante...

La reine avait entendu parler d'un grand roi Juif, très riche, très intelligent et très sage, dont la réputation rayonnait bien au-delà de son royaume, Salomon.

Elle envoya alors l'un de ses sujets jusqu'en Israël pour lui vendre de l'ivoire, des pierres précieuses, de l'or, et surtout pour s'enquérir de la réputation de ce roi, qui, bien qu'il ne partage pas sa religion, faisait forte impression jusque dans son royaume.

L'émissaire alla jusqu'en Israël, constata la richesse et la sagesse de Salomon, et s'en revint dans le royaume de Saba en faisant de Salomon un portrait si enthousiaste qu'il aiguisa encore plus la curiosité de la reine.

Elle décida alors d'aller elle-même constater la grandeur du royaume d'Israël et de son roi. Elle était certainement assez piquée au vif de la réputation de Salomon, dont les commerçants venus d'ailleurs diffusaient une image déjà légendaire, et ne pouvait s'empêcher de vouloir se comparer à lui, car elle était elle-même très riche, très belle et très intelligente. Elle aurait bien aimé, elle aussi, qu'on parle d'elle jusqu'à Jérusalem. Mais surtout, elle voulait comprendre quelle était la religion de ce souverain, car elle ne pouvait concevoir qu'un homme d'une telle qualité ait une religion différente.

Je laisse Tilahun raconter la suite, sans commentaire...


La VF sera prête dans quelques temps pour ceux qui n'auraient pas tout saisi


mercredi 30 novembre 2011

Axoum, Kaleb, Ezana, suite et fin

Ce que l'encyclopédie Universalis ne dit pas de l'Ethiopie, n'en déplaise à mon auguste mère qui suit mon périple par encyclopédie interposée, c'est j'ai pris mon petit déjeuner ce matin. Eh bien a peu de choses près dans le jardin d'Eden. 
Déjà deux jours à Axoum, et décidément je ne voyais toujours ce que cette ville avait d'ennuyeux. Je n'avais pas découvert le parc Ezana qui m'échappait toujours, mais j'en découvris un autre, privé celui-là, le jardin de l'hôtel Kaleb, où j'avais atterri après avoir claqué la porte au nez des margoulins de l'Africa hotel, que je ne recommanderais à personne, même si sa proximité de la gare routière en fait nécessairement une adresse fréquentée - à tort, car en tuktuk tout est possible.


Ermias, propriétaire de l'hôtel Kaleb, est l'un des professionnels de l'hôtellerie de longue date rencontré sur ma route. Cet hôtel existe depuis une trentaine d'année et appartenait à son père. Il l'a récemment agrandi et rénové, et les chambres sont accessibles à tous les budgets. En ville, Ermias est connu comme le loup blanc, on le salue ou on l'évite, mais il est une sorte de célébrité locale, en plus d'être un hôtelier accueillant: il n'est en effet pas très courant qu'on laisse aux clients les clés du bureau pour que vous alliez vous connecter à internet sur l'ordinateur du patron entre la caisse -pleine- et les registres de l'hôtel.


En octobre, l'Ethiopie est à peu près partout vert pomme. Notre printemps n'est rien au regard de ce qui s'y passe juste après la saison des pluies - du moins dans le centre et le nord du pays. "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté", à ceci près que les chiens courent après les chiennes, les pinsons volettent après les pinsonnes et les fleurs sont belles comme des camions afghans. Des oiseaux étranges au plumage bleu métallisé mâtiné de reflets verts picorent les goyaves qui poussent en telle quantité qu'hommes et oiseaux peuvent se partager la ressource sans conflit. 



Cela dit, il faut aimer la goyave, ce fruit fadasse au goût de pas grand chose que l'on vous sert partout là-bas et surtout en jus infâme à la consistance si solide qu'on vous donne une paille ET une petite cuiller pour en venir à bout. 



Dans ce jardin, il y a une sorte de paillote, offrant une ombre bienvenue car j'ai les oreilles qui rougeoient comme des lumignons depuis deux semaines. Et si je n'ai guère eu l'occasion d'apercevoir plus d'une demi oreille d'hippopotame sur le lac Tana, je suis assaillie par des oiseaux incroyables partout, du type de ce volatile indéterminé apparenté au moineau, version bariolée :


Dans l'arbre au fond du jardin, c'est le coin des perruches sauvages et autres oiseaux inconnus a crête avec une très longue queue, semblables à des cacatoès beiges, trop rapides pour l'objectif de ma caméra.
Et tout ce beau monde s’égayait devant moi pendant que je mangeait du pain au miel en sirotant un café, en poussant des exclamations a chaque fois qu'un nouveau volatile venait faire du rase-mottes au-dessus de mon assiette...

Aucun bruit urbain de vient polluer l'atmosphère sonore, seulement troublée par quelques gazouillis intempestifs, le tintement de la petite cuiller sur le bord de la tasse et le crissement des chaises de bambou.
Eva avait raison, Axoum est un lieu privilégié pour laisser passer le temps. Stèles, obélisques et palais visités, si l'ennui gagne très vite les touristes, c'est qu'ils n'ont pas encore saisi que c'est dans un jardin que l'on attend que le temps passe à Axoum.

Je me suis donc remise en quête de mon fameux jardin public, dont il m'avait semblé trouver l'entrée la veille en bordure de la rue principale, mais lorsque je m'y rendis, si je découvris un autre jardin extraordinaire, ce fut celui d'un ancien palais royal d'Hailé Sélassié, qu'il donna à l'Etat pour en faire une bibliothèque universitaire.


Il existe une petite université à Axoum, construite essentiellement grâce à des fonds de la GIZ, l'agence de coopération allemande. J'ai jeté un œil aux ouvrages à la disposition des étudiants sciences humaines dans cette BU . Leur fond est composé des ouvrages des bibliothèques occidentales mis au pilon, car obsolètes. Les ouvrages en anglais, largement majoritaires, datent, pour les plus récents, des années 1980 et sont des essais de littérature "grise" traitant de la situation américaine, de la guerre froide, de l'analyse poussée de la politique économique de JFK et Jimmy Carter, etc.

Finalement, c'est par hasard que je découvris le parc Ezana, aussi introuvable qu'évident, au beau milieu de la place centrale d'Axoum.


Sur quelques dizaines de mètres carrés, le parc Ezana s'étend - s'étendre est un bien grand mot pour ce square compact- en triangle entre les deux axes principaux d'Axoum. Son format ne l'empêche pas d'abriter au moins deux cafés et quelques vestiges de la période sabéenne disséminés çà et là au gré des deux allées. 


Fleurant bon l'anarchie jardinière, les haies poussent comme elles l'entendent, tenues simplement par des morceaux de bois, mais le résultat n'a rien à envier aux espaces verts rationnels et régentés de nos villes.

Et de fait, le café y était excellent.