mercredi 4 janvier 2012

Sur la route de Mekelle

Pour aller d'Axoum à Mekelle, je n'avais rien organisé parce que ça commençait à me fatiguer et qu'il me semblait qu'on pouvait, ici, s'organiser autrement: J'en ai donc parlé à Ermias, qui cherchait visiblement à me faire plaisir pour des raisons que je feindrai de ne pas m'imaginer, l'un de ses clients et amis de Mekelle, qui travaillait à Axoum quelques jours, de m'embarquer dans son pick up en rentrant.

Personne ne savait quand exactement il devait rentrer à Mekelle, il fallut donc attendre un jour, puis un autre jour, mais finalement, un matin, à 8h, je me retrouvai face à un tout petit bonhomme, mais vraiment tout petit, Zenebe, l'air fermé d'un pêcheur breton et la main moite.

Car les Ethiopiens sont souvent très réservés au premier abord, à tel point qu'on croirait presque à de l'hostilité, ce qui est une erreur dans l'immense majorité des cas qu'il ne faut surtout pas entretenir en se renfrognant soi-même dans son coin.


J'ai mis mon sac dans son pick-up, et ne savais pas du tout combien de temps nous mettrions pour aller jusqu'à Mekelle, car ici le nombre de kilomètres n'est jamais une indication fiable, tout dépend en réalité de la qualité des routes, de l'humeur du chauffeur, du nombre d'ânes et de vaches sur les routes, du nombre de gens que le chauffeur doit passer voir pour dire bonjour et prendre un café. Et de fait, pour faire les 300 km d'Axoum à Mekelle, nous avons mis environ 8h, fait 6 pauses, visité 3 bureau et rencontré une dizaine de personnes.

Au début, ce n'était pas simple d'essayer de comprendre ce qui se passait, car si Zenebe parlait anglais, c'était sans comprendre mes questions et en me fournissant des réponses que je ne comprenais pas, car je n'ai saisi qu'après 5 heures de route qu'il confondait, par exemple, la deuxième et la troisième personne du singulier pour s'adresser à moi, ce qui donnait un petit goût très reconnaissable de patois normand à son anglais : "and how is she?" "Where do she come from?" et ainsi de suite...

Une fois cette nouvelle norme de communication acquise nos conversations ont été nettement plus fluides.

Notre route a été singulièrement ralentie par le fait, que je n'avais bien évidemment pas saisi dans l'ébauche de communication à notre départ, que Zenebe travaillait pour une ONG locale, Mum for Mums, disposant d'un siège à Mekelle et d'une antenne à Axoum, et qu'en retournant au siège il devait passer visiter les locaux d'Axoum ainsi que de futurs nouveaux bureaux à Adoua.


Nous avons donc fait le tour des locaux de Mum for Mums, et j'y fus présentée à chaque passage à toutes les équipes, on m'a offert le café, et j'ai définitivement compris qu'il faut faire preuve ici d'une capacité de résistance à la caféine totalement hors du commun dans ses relations sociales.

Nous sommes passés à Adoua, célèbre pour au moins deux raisons : Avoir d'une part été le siège d'une des batailles historiques les plus fameuses de l'histoire de l'Ethiopie, lorsque les troupes de Ménélik II, en 1896, boutèrent hors de chez eux les troupes italiennes venues en colons envahir le territoire - bataille qui fit de l'Italie la risée des autres puissances coloniales et la fierté incommensurable des Ethiopiens d'avoir résisté à la puissance de feu occidentale- et être la ville d'origine de l'actuel (et inamovible) premier ministre, Mélès Zenawi, originaire d'Adoua et s'en souvenant assez régulièrement dans les propositions de lois votées sans sourciller au parlement.


 Plus nous avancions vers l'est, plus le paysage, toujours plus ou moins montagneux, devenait aride. Il l'était déjà à Axoum, mais moins. Cependant, plus le climat devenait sec, plus Zenebe se décoinçait, et j'ai peu à peu découvert que ce garçon était un loukoum timide et adorable qui, en fait, adorait chanter à tue-tête dans sa voiture en tapant dans ses mains -même dans les routes de montagne - mais n'aimait juste pas tellement communiquer dans son anglais très approximatif et souhaitait de prime abord savoir à qui il avait affaire avant de s'égosiller joyeusement, car on ne saurait se rendre à ce point ridicule devant n'importe qui ne sachant pas goûter les joies de la conduite en chanson.
Nous approchions, vers l'est, du pays Afar, désertique et assez dangereuse, grande région de production du sel, que les dromadaires acheminent pour son conditionnement et sa vente dans le Tigré.

On peut parfois voir, à Mekelle ou, au sud du pays Afar, à Harar, d'immenses caravanes de sel arriver, mais mes horaires personnels me permettaient tout juste de voir les derniers retardataires prendre le chemin du retour...

Arrivés à Mekelle, j'ai eu droit à une visite en règle, agrémentée d'un thé, cette fois, du siège de l'ONG Mums for Mums, par son directeur, Ashenafi, qui m'a fait découvrir l'étendue du travail de cette association locale très active qui sera l'objet de mon prochain post...