samedi 17 décembre 2011

Interlude


En attendant les histoires de cette deuxième partie de voyage entre Addis Abeba et l'est du pays, Dire Dawa et Harar, un petit interlude en musique et en danse, depuis le restaurant Yod Abyssinia d'Addis Abeba, où il est absolument impératif de réserver, mais où il est tout aussi impératif d'aller mettre son nez -et ses doigts- car les injeras traditionnelles sont préparées avec un souci de l'esthétique tout particulier.
Ce n'est pas un endroit réservé aux Farangis et autres touristes de tous horizons, la clientèle y est très mélangée. C'est juste une excellente adresse, à consommer avec modération pour les plus low costs des routards, une adresse aussi emblématique d'Addis et de l'Ethiopie que pourrait l'être le Bouillon Chartier à Paris, le Vauban à Brest et l'Excelsior à Nancy...
Les robes des serveuses font envie, bien que les robes qu'elles portent - saumon, jaune pâle - ne siéraient assurément pas à un teint un peu trop "fromage frais"... Rose saumon sur teint d'aspirine fraîche, ça manque de relief...

Quant aux danseurs et danseuses qui exécutent durant une partie de la soirée des danses et chants de nombreuses ethnies éthiopiennes, Oromo, Guragué, Konso, etc... on en laisserait refroidir son assiette...






mercredi 14 décembre 2011

Ce plat pays qu'est l'Ethiopie...

Depuis mon retour, j'ai laissé un certain nombre d'articles en plan, happée par un quotidien qui se réinstalle si vite et si bien que l'on ne peut plus lever l'ancre sans effort.

Pour s'y replonger, il faut repartir en Afrique, voir et entendre, à défaut de sentir. En route, donc, pour 160 secondes sur la route de Gondar à Débark, en direction du Parc du Simien.





A mon retour, j'ai été assez frappée de l'image spontanée qu'évoquait l'Ethiopie dans mon entourage.

Reprenons depuis le début : premièrement, l'Ethiopie n'est pas un plat pays qui s'étend langoureusement vers la mer Rouge, avec des côtes sableuses et ensoleillées.
L'Ethiopie n'a plus d'accès à la mer depuis la guerre compliquée et fratricide qui l'a opposée à l'Erythrée, qui, avec son indépendance, a privé l'Ethiopie de 1150 km de côte sur la mer Rouge. Annexée par l'Ethiopie en 1962 et devenue indépendante en 1993, l'Erythrée a dès lors souvent dû défendre sa souveraineté par les armes, particulièrement entre 1998 et 2000, contre les velléités d'annexion éthiopiennes.



La tension persiste, raison pour laquelle, bien que l'on ne puisse parler de guerre, cette zone frontalière est fragile, instable : les Ethiopiens considèrent que l'Erythrée et l'Ethiopie forment une seule et même entité culturelle, religieuse et linguistique, et d'un point de vue stratégique et économique qu'un accès de 1000 km à la mer Rouge ne serait pas superflu plutôt que de faire acheminer les container par Djibouti.



Plaines (hauts plateaux) du Tigré, monastère orthodoxe, à l'horizon, la frontière érythréenne

Ensuite, l'Ethiopie n'est pas un pays foncièrement instable, au bord de la guerre civile, où l'armée se promènerait dans les rues, armée jusqu'aux dents prête à bondir. Si, bien sûr, la reconnaissance de la frontière avec l'Erythrée est un processus compliqué, l'Ethiopie est associée à tort à ses voisins plus instables, la Somalie (bien que le Somaliland fasse tampon entre les deux), le Soudan, etc.
Mais si les tensions entre le gouvernement central et certaines régions (l'Ethiopie est un pays fédéral) rend certaines zones impraticables, l'Ethiopie est un pays pour l'instant stable, aux relations pacifiques -du moins diplomatiques- avec ses voisins.
Stable ne signifiant pas démocratique, pas encore, cette stabilité dissimulant à peine un régime sans alternance politique, bien qu'il ne s'agisse pas d'une autocratie militaire.
Stable signifiant simplement que l'on peut se rendre sans danger dans la majeure partie du territoire Ethiopien, même seul(e), à condition de s'être un minimum informé au préalable.

Sans rentrer -du moins pas tout de suite- dans les questions sociales, économiques et les rapports interculturels qui ne sont pas toujours simples, il ne faut pas sous-estimer que l'Ethiopie est surtout un pays truffé d'endroits où il fait très bon vivre, de cafés où tout n'est que calme et volupté, et ce luxe n'est pas réservé aux quelques touristes qui s'aventurent jusque là, mais fait résolument partie du mode de vie des Ethiopiens  :

Un café à Dire Dawa où l'on ne sert... que de l'eau... mais pétillante, et locale!

On ne vient donc pas ici pour ce qu'il y a à boire...

... pas plus que l'on ne vient au Parc Ezana d'Axoum uniquement pour le café...

Enfin, dernière idée préconçue (ou pas conçue du tout plutôt) qui ne survivra pas à ce post : l'Ethiopie n'est pas un plat pays au ciel si bas qu'un canal s'est perdu mais un immense territoire aujourd'hui aussi vaste que l'Allemagne et la France réunies, que la grande faille du Rift est-africain a sculpté à la truelle. Des hauts-plateaux et montagnes titanesques surplombent les nuages, et par endroits, la croûte terrestre, s'affinant au creux de la grande faille, s'enfonce à plus de 100 m sous le niveau de la mer tandis que des volcans, parfois encore en activité, serpentent du nord au sud dans l'est du pays.

De l'avion, quelque part entre Gondar et Axoum

Dans le massif du Simien, le Ras Dashen culmine à 4600 mètres, juste au dessous du niveau du Mont-Blanc, c'est le 4ème pic le plus haut d'Afrique. Outre le Ras Dashen, la majeure partie du pays, au nord, est une immense succession de hauts-plateaux à une altitude située entre 1800 et 3000 mètres, parfois plus, rythmés de pics et brusques dépressions que les eaux de ruissellement annuelles ont creusé dans le basalte avec constance depuis des millions d'années, formant des paysages reconnaissables entre mille.



Dans le Simien

Et la traditionnelle grande plaine où pait le bétail est plutôt en Ethiopie un immense plateau perdu dans les nuages à environ 1 kilomètre de dénivelé abrupt du palier d'en dessous.


Nettement plus au sud, Addis-Abeba, située entre 2300 et 2600 mètres d'altitude est donc la capitale la plus haute d'Afrique, et la 4ème capitale la plus haute du monde.


Addis, au creux des montagnes, au pied du Mont Entoto

L'immensité du territoire éthiopien, de -120 à 4600m d'altitude, fait que l'on passe du désert du Danakil à la végétation luxuriante des bords du lac Tana, des massifs montagneux à la vallée de l'Omo : peu de pays présentent une telle diversité de climats et de conditions de vie, des plus douces aux plus difficiles, déserts ou hauts plateaux.

Ni un grand désert, ni une grande savane, l'Ethiopie...













mercredi 7 décembre 2011

Mums for Mums



Mums for Mums


Mums for Mums est une ONG éthiopienne dont le siège est à Mekelle. Elle a été créée et reste entièrement administrée par des Ethiopiens, même si les fonds ne sont pas locaux et sont, entre autres, issus de la Commission Européenne.

Counsellors
Mums for Mums a pour but de sortir les mères isolées de la dépendance et de la misère. Une jeune mère seule, non mariée, a en effet ici peu de chances de s'en sortir sans l'aide de sa famille, qui ne peut pas toujours subvenir à ses besoins, ou ne le veut pas nécessairement, surtout si elle a eu un enfant hors-mariage. Peu éduquées - elles ont souvent arrêté l'école, quand elles y ont été, beaucoup trop tôt pour trouver un emploi, surtout avec un enfant qu'aucune structure ne peut prendre en charge -, elles en arrivent trop souvent à mendier.

A Mekelle notamment, mais aussi à Dire Dawa et Harar, il n'est pas rare de voir des mères seules, ayant vieilli trop vite, mendier avec leur(s) enfant(s) sous le bras.


L'idée de Wzo Tebereh Woldegabriel, la fondatrice de Mums for Mums, a donc été de créer une structure où ces femmes pourraient confier leurs enfants à une crèche afin d'avoir accès à une formation pratique (couture, cuisine, tissage, etc.) leur permettant à la fois de subvenir à leurs besoins et de monnayer une compétence sur le marché du travail.

Ces femmes devant impérativement être, avec très peu de capitaux, opérationnelles très rapidement, on leur dispense des formations leur permettant également de survivre, voire de commercer, avec rien : on leur apprend à cuisiner confitures et plats avec les matières premières gratuitement à disposition autour d'elles : cactus, plantes, fruits et légumes sauvages, etc.

Peu à peu, Mums for Mums a diversifié ses compétences, et ils accueillent également des personnes âgées isolées durant la journée, organisent des journées de dépistage de la cataracte, des journées de prévention contre le SIDA, des ateliers sur la nutrition, etc, etc...

Discrète, cette ONG a pourtant ouvert des annexes à Axoum, à Adwa et bientôt à Bahar Dar.
A Axoum, leurs missions semblaient plus floue, ils ne disposaient pas d'un grand centre, comme à Mekelle, permettant l'accueil des jeunes mères. Un petit bureau semblait uniquement servir de support technique et juridique à d'autres associations très diverses.


A Adwa, ils étaient en train d'ouvrir un centre informatique avec 25 PC et internet pour la formation des jeunes.

Dans chaque ville ils semblaient avoir une mission et des objectifs différents et, même si le centre de Mekelle œuvre à des actions on ne peut plus concrètes, leurs objectifs ailleurs semblent plutôt guidés par l'opportunité que par les fins initiales de leur ONG.
Qu'importe, il se passe des choses, et bien que ce soit, une fois de plus le Tigré qui bénéficie de ce genre d'initiatives, ce n'est pas pour autant qu'ils n'en ont pas cruellement besoin.


dimanche 4 décembre 2011

La véritable histoire de la reine de Saba et du Roi Salomon

Les Erythréens la croient Erythréenne, les Yéménites Yéménite, les Ethiopiens Ethiopienne, les sceptiques n'y croient pas et l'immense majorité de l'Occident a spontanément en tête une reine à la peau laiteuse se promenant en soutien-gorge affriolant dans les couloirs de son palais :

Gina Lollobrigida dans le péplum La Reine de Saba et le Roi Salomon de King Vidor

La reine de Saba, qui qu'elle fut, n'a probablement jamais ressemblé à la belle Gina, est bien plus certainement une Habesha - Habesha désignant, par opposition aux Farangis, les Blancs, les Ethiopiens, incluant les Erythréens et désignant, par extension, la culture correspondante - et nous partirons ici du principe qu'elle ressemblait plutôt à ceci :

Peinture anonyme de la Reine de Saba en route pour Jérusalem au musée national d'Addis Abeba

Ca fait moins péplum, mais beaucoup plus Habesha...
Tilahun, le plus farfelu guide axoumite, nous a très vite mis les points sur les i avec une force d'âme qui nous fera retenir longtemps la

VÉRITABLE HISTOIRE DE LA REINE DE SABA ET DU ROI SALOMON

La Reine de Saba, la plus grande et la plus belle des reines africaines, éclipsant tout ce qu'une Cléopâtre a pu apporter de beauté et de nez à l'histoire légendaire mondiale, était, au 10ème siècle avant J.C., la reine du peuple sabéen, civilisation évoquée plus bas, situé quelques part entre le Yémen et l'Ethiopie, nous ayant légué les obélisques, les menhirs et quelques tombeaux à l'architecture tout de même assez fascinante...

La reine avait entendu parler d'un grand roi Juif, très riche, très intelligent et très sage, dont la réputation rayonnait bien au-delà de son royaume, Salomon.

Elle envoya alors l'un de ses sujets jusqu'en Israël pour lui vendre de l'ivoire, des pierres précieuses, de l'or, et surtout pour s'enquérir de la réputation de ce roi, qui, bien qu'il ne partage pas sa religion, faisait forte impression jusque dans son royaume.

L'émissaire alla jusqu'en Israël, constata la richesse et la sagesse de Salomon, et s'en revint dans le royaume de Saba en faisant de Salomon un portrait si enthousiaste qu'il aiguisa encore plus la curiosité de la reine.

Elle décida alors d'aller elle-même constater la grandeur du royaume d'Israël et de son roi. Elle était certainement assez piquée au vif de la réputation de Salomon, dont les commerçants venus d'ailleurs diffusaient une image déjà légendaire, et ne pouvait s'empêcher de vouloir se comparer à lui, car elle était elle-même très riche, très belle et très intelligente. Elle aurait bien aimé, elle aussi, qu'on parle d'elle jusqu'à Jérusalem. Mais surtout, elle voulait comprendre quelle était la religion de ce souverain, car elle ne pouvait concevoir qu'un homme d'une telle qualité ait une religion différente.

Je laisse Tilahun raconter la suite, sans commentaire...


La VF sera prête dans quelques temps pour ceux qui n'auraient pas tout saisi


mercredi 30 novembre 2011

Axoum, Kaleb, Ezana, suite et fin

Ce que l'encyclopédie Universalis ne dit pas de l'Ethiopie, n'en déplaise à mon auguste mère qui suit mon périple par encyclopédie interposée, c'est j'ai pris mon petit déjeuner ce matin. Eh bien a peu de choses près dans le jardin d'Eden. 
Déjà deux jours à Axoum, et décidément je ne voyais toujours ce que cette ville avait d'ennuyeux. Je n'avais pas découvert le parc Ezana qui m'échappait toujours, mais j'en découvris un autre, privé celui-là, le jardin de l'hôtel Kaleb, où j'avais atterri après avoir claqué la porte au nez des margoulins de l'Africa hotel, que je ne recommanderais à personne, même si sa proximité de la gare routière en fait nécessairement une adresse fréquentée - à tort, car en tuktuk tout est possible.


Ermias, propriétaire de l'hôtel Kaleb, est l'un des professionnels de l'hôtellerie de longue date rencontré sur ma route. Cet hôtel existe depuis une trentaine d'année et appartenait à son père. Il l'a récemment agrandi et rénové, et les chambres sont accessibles à tous les budgets. En ville, Ermias est connu comme le loup blanc, on le salue ou on l'évite, mais il est une sorte de célébrité locale, en plus d'être un hôtelier accueillant: il n'est en effet pas très courant qu'on laisse aux clients les clés du bureau pour que vous alliez vous connecter à internet sur l'ordinateur du patron entre la caisse -pleine- et les registres de l'hôtel.


En octobre, l'Ethiopie est à peu près partout vert pomme. Notre printemps n'est rien au regard de ce qui s'y passe juste après la saison des pluies - du moins dans le centre et le nord du pays. "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté", à ceci près que les chiens courent après les chiennes, les pinsons volettent après les pinsonnes et les fleurs sont belles comme des camions afghans. Des oiseaux étranges au plumage bleu métallisé mâtiné de reflets verts picorent les goyaves qui poussent en telle quantité qu'hommes et oiseaux peuvent se partager la ressource sans conflit. 



Cela dit, il faut aimer la goyave, ce fruit fadasse au goût de pas grand chose que l'on vous sert partout là-bas et surtout en jus infâme à la consistance si solide qu'on vous donne une paille ET une petite cuiller pour en venir à bout. 



Dans ce jardin, il y a une sorte de paillote, offrant une ombre bienvenue car j'ai les oreilles qui rougeoient comme des lumignons depuis deux semaines. Et si je n'ai guère eu l'occasion d'apercevoir plus d'une demi oreille d'hippopotame sur le lac Tana, je suis assaillie par des oiseaux incroyables partout, du type de ce volatile indéterminé apparenté au moineau, version bariolée :


Dans l'arbre au fond du jardin, c'est le coin des perruches sauvages et autres oiseaux inconnus a crête avec une très longue queue, semblables à des cacatoès beiges, trop rapides pour l'objectif de ma caméra.
Et tout ce beau monde s’égayait devant moi pendant que je mangeait du pain au miel en sirotant un café, en poussant des exclamations a chaque fois qu'un nouveau volatile venait faire du rase-mottes au-dessus de mon assiette...

Aucun bruit urbain de vient polluer l'atmosphère sonore, seulement troublée par quelques gazouillis intempestifs, le tintement de la petite cuiller sur le bord de la tasse et le crissement des chaises de bambou.
Eva avait raison, Axoum est un lieu privilégié pour laisser passer le temps. Stèles, obélisques et palais visités, si l'ennui gagne très vite les touristes, c'est qu'ils n'ont pas encore saisi que c'est dans un jardin que l'on attend que le temps passe à Axoum.

Je me suis donc remise en quête de mon fameux jardin public, dont il m'avait semblé trouver l'entrée la veille en bordure de la rue principale, mais lorsque je m'y rendis, si je découvris un autre jardin extraordinaire, ce fut celui d'un ancien palais royal d'Hailé Sélassié, qu'il donna à l'Etat pour en faire une bibliothèque universitaire.


Il existe une petite université à Axoum, construite essentiellement grâce à des fonds de la GIZ, l'agence de coopération allemande. J'ai jeté un œil aux ouvrages à la disposition des étudiants sciences humaines dans cette BU . Leur fond est composé des ouvrages des bibliothèques occidentales mis au pilon, car obsolètes. Les ouvrages en anglais, largement majoritaires, datent, pour les plus récents, des années 1980 et sont des essais de littérature "grise" traitant de la situation américaine, de la guerre froide, de l'analyse poussée de la politique économique de JFK et Jimmy Carter, etc.

Finalement, c'est par hasard que je découvris le parc Ezana, aussi introuvable qu'évident, au beau milieu de la place centrale d'Axoum.


Sur quelques dizaines de mètres carrés, le parc Ezana s'étend - s'étendre est un bien grand mot pour ce square compact- en triangle entre les deux axes principaux d'Axoum. Son format ne l'empêche pas d'abriter au moins deux cafés et quelques vestiges de la période sabéenne disséminés çà et là au gré des deux allées. 


Fleurant bon l'anarchie jardinière, les haies poussent comme elles l'entendent, tenues simplement par des morceaux de bois, mais le résultat n'a rien à envier aux espaces verts rationnels et régentés de nos villes.

Et de fait, le café y était excellent.

samedi 26 novembre 2011

Axoum, Saba, l'archéologie...

Je ne mettais toujours pas le pied sur le parc Ezana d'Eva, mais par contre, au fil de mes explorations, j'ai vite largué tout guide touristique officiel ou non pour arpenter la zone au grand étonnement des habitants, peu habitués à voir des Farangis, seuls, marchant - à pied, oui madame, à pied, c'est fou!- un bon kilomètre hors de la ville pour accéder au prétendu palais de la reine de Saba -dont l'authenticité est peut-être douteuse, mais qu'importe, rêvons un peu...

Ce fameux "palais" n'aurait été découvert et préservé il n'y a que quelques années par des archéologues allemands...

Comme si un blanc normalement constitué n'était pas capable de demander globalement son chemin en simili-Amharique après plus de 10 jours dans ce pays, à grands renforts de bras et de mains.
 
En face du palais, un champ de tef, céréale locale servant à préparer notamment les fameuses galettes injera, est ponctué de stèles funéraires encore en attente -ou pas - d'être explorées. Malgré le développement -encore balbutiant- de l'industrie touristique, cette zone recèle encore de nombreux mystères et l'avancée des recherches semble assez laborieuse d'un point de vue administratif, économique et politique.
Sans me faire plus ethnocentrique que les Ethiopiens eux-mêmes, ces stèles ressemblent furieusement à des menhirs. Si Uderzo a encore envie de faire un 32ème album des aventures d'Astérix et Obélix, je lui suggère vivement Obélix chez la reine de Saba...


Les recherches archéologiques sont encore peu développées, ou ont été interrompues, faute d'autorisations, faute de financements, à tel point que des découvertes importantes sont encore faites de nos jours, comme cette sorte de pierre de rosette locale, rédigée en grec, guèze et araméen, racontant la victoire du roi Ezana lors d'une campagne militaire d'expansion du royaume. Elle fut découverte il y a quelques années par un paysan ayant quelques difficultés à labourer son champ avec une charrue entravée par la petite tonne de pierre située juste en-dessous.




Le parcours de Tilahun, notre guide du premier jour, avant que je ne prenne le large, nous a amenés peu à peu sur les traces de la Reine de Saba -je laisserai aux historiens le soin de valider ou non ces propositions- à Axoum, notamment une piscine, sorte de grande mare artificielle, reconstruite par Haïlé Sélassié, mais qui conserve encore quelques traces prétendues du passage mythique de la reine, notamment les marches qu'elle aurait empruntées pour sa royale descente dans l'eau.

Mais ce n'est ni sa piscine, ni les ruines de son palais qui font de la reine de Saba l'une des figures les plus glamour de l'histoire humaine, c'est, bien sûr, son histoire avec le roi Salomon, qui a inspiré le navet intergalactique de King Vidor en 1959 avec la très -trop- pâlote Gina Lollobrigida... et surtout les conséquences légendaires sur l'Arche d'Alliance, dont l'histoire mythifiée par les Ethiopiens est plus haletante que le meilleur roman policier contemporain... A suivre dans un prochain épisode, en couleur et en détail, la véritable histoire de la Reine de Saba et du Roi Salomon, version axoumite.

vendredi 25 novembre 2011

Axoum, parc Ezana...

J'ai débarqué à Aksoum un peu par hasard : rien prévu, rien organisé, rien lu, je me suis laissée porter au gré des liaisons intérieures d'Ethiopian Airlines depuis Lalibela.


On m'avait dit beaucoup de choses d'Axoum, notamment qu'il n'y avait pas grand chose à y voir ou à y faire et que ce détour par l'extrême nord de l'Ethiopie n'en valait pas vraiment la peine. la peine? Quelle peine? Une heure d'avion? Quel type exact de peine peut-il y avoir à se laisser porter au gré de ses envies dans un pays aussi étranger qu'hospitalier?
Axoum... Avec un nom pareil, qu'il n'y ait rien à y voir me paraissait hautement improbable... Et ce "rien à voir" me semblait déjà parfaitement impropre pour qualifier un quelconque endroit de l'Ethiopie, pour peu qu'il ne soit pas désertique.


C'est finalement Eva, une prof de géographie allemande croisée à Bahar Dar, où elle récoltait frénétiquement des papyrus sur les bords du Lac Tana pour les montrer à ses élèves, qui a su me donner l'argument de choc: "C'est vrai, il n'y a pas grand chose à faire là-bas, mais au centre de la ville, il y a un petit jardin public, minuscule, en forme de triangle, où sont dressés quelques vestiges, des colonnes, des morceaux de stèles, c'est calme et très joli, et il y a un petit café où tu pourras te reposer et lire pendant des heures. Si tu n'es pas pressée, c'est idéal. Et le café est très bon."

Ce dernier argument fut décisif. Dès mon arrivée je me suis mise à la recherche de ce fameux jardin, mais bien évidemment, avant de tomber sur le parc, je suis d'abord tombée sur un obélisque de 40 tonnes écrasé en travers de mon chemin.


Parce qu'il s'est avéré qu'avant d'être une ville "où il ne se passe pas grand chose", Aksoum a été le berceau d'une civilisation et d'un royaume étendu et prospère du 1er au 9ème siècle ap. J.C., premier royaume d'Afrique à battre monnaie, aux relations commerciales intenses avec l'Egypte, l'Arabie, la Grèce, la Syrie, et dont les souverains bâtisseurs de palais avaient le chic de se faire enterrer sous des stèles ouvragées de 35m de haut - pour la plus haute.


Ces obélisques géants, parmi les plus grands ouvrages monolithes au monde, sont le fruit de la civilisation Sabéenne, peuple sémitique venu du Yémen vers 1000 av. J.C., qui adorait le soleil, la lune et Vénus, et avait un sens très marqué de l'architecture et du grandiose.


Les tombeaux de leurs rois recèlent encore des mystères techniques que les guides tendent à amplifier - je n'ai d'ailleurs parfois pas vraiment compris où résidait l'insolite, preuve que ma culture technique est décidément bien rudimentaire, où que le guide nous embobinait largement. Malgré tout, Aksoum fut certainement le siège de techniques assez avancées, quoiqu'apparemment assez similaires à celles de l'Egypte ancienne et certainement héritées d'elles (ce que les guides locaux démentiront, comment peut-on oser les comparer aux Egyptiens?)


L'un des rois les plus emblématiques du royaume d'Aksoum, Ezana, reçut, au IVème siècle -je ne vous ferai pas l'affront de vous dire si c'est avant ou après J.C.- comme précepteur un missionnaire chrétien venu de Tyr qui finit par le convertir, faisant de son royaume le berceau d'un christianisme très singulier, aujourd'hui rattaché à l'orthodoxie bien qu'elle soit une église autocéphale, ne dépendant ni des patriarches de Constantinople ni de ceux de Moscou. Pour ceux que ça amuse ou qui auront un enfant chrétien à nommer dans les prochains mois, le moine syrien qui obtint l'oreille du roi Ezana s'appelait Frumence...


En 1937, alors que les Italiens occupaient le pays depuis deux ans, l'un des deux plus grands obélisques derrière moi sur la photo a été subtilisé à Aksoum pour venir orner le ministère de l'Afrique italienne, car on ne crache pas sur un trophée de chasse de cette ampleur lorsqu'on s'appelle Mussolini. Les Italiens, boutés dehors en 1940 par Hailé Sélassié (aidé par les Anglais, pas rancuniers), se sont engagés à restituer la stèle aux Ethiopiens en 1947, mais ayant un sens de la temporalité un peu particulier, l'obélisque n'a repris sa place initiale qu'en août 2008.


De stèle en tombeaux, j'ai arpenté la ville en tuktuk, cet espèce de tricycle à moteur de mobylette qui sert de moyen de transport en ville et vous amène à peu près à destination, avec l'aide de Dieu -les autocollants bariolés de Jésus à l'intérieur sont probablement autant là pour rassurer que pour des raisons esthétiques de toutes façons assez douteuses, car dans un tuktuk il n'y a qu'à prier en s'accrochant.



Parfois, les chauffeurs de tuktuk vous embarquent, trop heureux de faire une course au tarif Farangis, en omettant de vous préciser qu'ils ne peuvent pas vous conduire à destination parce que la route est trop impraticable pour leur espèce de tricycle à moteur : de grands moments de joie collective en perspective...




Demain, le suite de la recherche du parc Ezana, et la grande piscine privée de la reine de Saba...


mardi 22 novembre 2011

Les porteuses

Petits petons...

Ici, ce sont très généralement les femmes qui portent. Elles portent leurs enfants, elles portent les courses. Parfois les deux en même temps, dans un bel exercice d'équilibriste...


Les femmes portent leurs enfants, puis, lorsque la famille devient trop nombreuse, ce sont les frères et soeurs qui ont la charge des nouveaux venus, placés sous leur responsabilité -même à quatre ans, ce qui donne lieu à des photos particulièrement attendrissantes, à des "hooooo" et des "haaaaa" touristiques ravis et satisfaits de cette belle image de la famille nombreuse et solidaire.

Photo de Torsten Lenk
Mais surtout, surtout, les femmes, les filles, dès le plus jeune âge, portent l'eau, dans des bidons en plastique, presque toujours d'un jaune canard, qu'elles attachent à leurs épaules avec de la ficelle. Ici aussi on est dans La source des femmes, version éthiopienne, Radu Mihaileanu en moins.

Un bidon gris, c'est rare
En courant... Facile, ça descend...
Ce rôle leur est quasiment invariablement imparti, au titre des tâches domestiques dont la gent féminine est la dépositaire dans les zones de culture rurale, à tel point que certaines marques d'eau en bouteille ou certaines affiches publicitaires relaient l'image d'Epinal d'une femme, parfois d'une fillette, heureuse de se scier les épaules une à deux fois par jour avec des bidons de 10 litres et plus.

Cette image contraste curieusement avec l'image - irénique elle aussi, car les travaux des champs ne sont pas exactement de tout repos pour ces messieurs - de l'Ethiopien, homme fier et libre, sans entrave, soutenant ses bras à l'aide de son bâton qu'il porte en travers des épaules.


Lorsqu'elles ne portent pas l'eau, elles peuvent porter jusqu'à 60 Kg d'eucalyptus sur plusieurs kilomètres, plus de 10 parfois, repoussant alors la limite de l'imaginable à moins d'être championne d'haltérophilie. Et les haltérophiles, elles, portent des chaussures.

De la colline de Entoto, vers Addis

Mais elles portent également le produit de la récolte des champs vers la maison et de la maison au marché, car ce sont elles qui vont vendre et acheter au marché.


 Et puis elles portent également le bois de chauffage. C'est très diversifié.


Vous l'aurez saisi, il est assez rare de croiser sur le bord des routes éthiopiennes des femmes, bras ballants, le nez au vent, faisant prendre l'air à leurs dents, comme Miss Harriet sur les falaises d'Etretat.